Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Prof. Charles T. Tart : Je travaille sur mon prochain livre dans lequel j’explique que tout ce que j’ai appris en temps que psychologue, et particulièrement comme psychologue transpersonnel, démontre que nous sommes des êtres spirituels. Quelque chose en nous est spirituel, mais nous vivons dans un monde où le matérialisme est la philosophie dominante : dans la science, dans le commerce, dans bien des domaines. Et son message est: “La spiritualité est une absurdité ! Ce n’est qu’un amas de superstitions, probablement pathologiques. L’esprit n’est rien de plus que le cerveau. Les idées spirituelles comme les esprits, Dieu, la prière.., ce ne sont que des idioties ! “ Alors nous voici: des êtres pourvus d’une nature authentiquement spirituelle, avec de fortes envies de spiritualité, et quand nous essayons d’y mettre un peu d’énergie on nous dit : “Ce sont des bêtises ! C’est de la folie ! Ne perdez pas votre temps avec ce genre de trucs !“ Ce livre que je suis en train d’écrire explique fondamentalement comment on peut scientifiquement se pencher sur ce domaine. On peut rester tout à fait scientifique et constater qu’il existe un tas d’indices démontrant que l’esprit humain fait des choses qui sont conventionnellement considérées comme “spirituelles”, des choses qui ne peuvent pas être expliquées par le matérialisme. Il est donc parfaitement rationnel d’investir de l’énergie dans la recherche spirituelle. Il est parfaitement acceptable d’être à la fois à la recherche de réponses spirituelles et une personne rationnelle et scientifique. C’est le message de mon livre. Dans un certain sens, cet ouvrage exprime l’essentiel de ma carrière en reliant mes recherches sur la parapsychologie, les états de conscience, la psychologie transpersonnelle et mon envie d’essayer de partager mes convictions.

Essayons de définir plus précisément le terme “spiritualité” comme vous le proposez. Est-ce que par exemple “spirituel” est pour vous identique à “religieux” ?

Prof. Chartes T. Tart : Je vais commencer par définir la perspective matérialiste. Le point de vue matérialiste dit fondamentalement ceci : “Je suis un bio-ordinateur à base de viande. Ma conscience, ma vie, mes espoirs, mes angoisses sont tous issus d’impulsions électriques et chimiques circulant dans mon cerveau et produits par accident. Prenez l’univers, vieux de plusieurs milliards d’années, secouez-le le temps nécessaire... et nous voici ! Tout ceci n’a aucune signification, mais nous voilà et quand nous mourrons... c’est fini. C’est tout”. L’idée d’une âme ou d’un esprit est parfaitement ridicule dans la perspective matérialiste. Maintenant, si cette perspective matérialiste est correcte — et beaucoup de personnes le pensent — cela a de nombreuses implications sur la manière de mener notre vie. L’implication principale peut se formuler comme suit: “Je veux avoir ma part de plaisirs et éviter la souffrance, et je veux utiliser les autres de la manière la plus efficace possible pour arriver à mes fins. Car je me fiche de vous et des autres puisque vous n’êtes rien de plus qu’un ras d’impulsions électrochimiques intégrées dans un morceau de viande — rien de plus ! Tout cela n’a aucune signification.” Le matérialisme ne mène pas obligatoirement à ces conclusions, bien sur, et certains matérialistes sont des personnes tout à fait merveilleuses, mais cette perspective mène naturellement vers cette attitude où “mon plaisir prime” et “rien n’a de véritable signification”. En tant que psychologue, je sais que les personnes privées d’une véritable signification dans leur vie tombent malades. Elles essaient de se distraire ou elles développent des psychopathologies diverses. Nous rencontrons le point de vue opposé dans les systèmes religieux et spirituels qui disent: “Non, non ! Bien sûr, le cerveau-viande est important, c’est la voiture que nous conduisons ou l’ordinateur que nous utilisons, on doit les respecter, ils ont leur importance, mais il y a quelque chose de plus, quelque chose qui nous relie à un univers de significations.” Y a t-il quelque chose de réel dans ce second point de vue ? Telle est ma question. Maintenant, voyons la distinction entre la spiritualité et la religion. Quand je parle de spiritualité, je me réfère à une expérience personnelle qui relie les gens à quelque chose de plus vaste. Je pense par exemple aux personnes qui vivent des expériences de mort imminente et qui rencontrent un être de lumière transcendant qui communique télépathiquement avec elles, qui sait tout ces personnes reviennent avec de nouvelles connaissances. Voilà un type d’expérience spirituelle. Quand des personnes parlent occasionnellement de leurs expériences, alors un processus communautaire se met en marche et après quelques centaines d’années on a une religion dogmatique qui, après avoir décortiqué toutes ces expériences individuelles, les fige dans une doctrine et les incorpore dans la structure du pouvoir en place, habituellement en se servant de la récompense et de la punition: Vous avez intérêt à croire ceci ou cela, sinon vous irez enfer !“ Je ne suis pas particulièrement intéressé par la religion, bien que je reconnaisse que nous ayons besoin du support social que les religions peuvent offrir. Par contre je suis intéressé par ces expériences spirituelles de base, ces expériences transpersonnelles pour utiliser un terme plus scientifique. Je m’intéresse aux expériences qui procurent une connaissance directe du fait que notre existence dépasse de loin notre ego. Voilà la distinction que je fais. Dans ce livre que je suis en train d’écrire, je commente les indices dont nous disposons et qui nous incitent à penser que nous sommes effectivement bien plus que les processus chimiques et électriques qui se produisent dans notre cerveau.

Source : INREES - Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinaires.

Francis (membre bienfaiteur de l'INREES.)